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24-VERT, toujours encore une minorité en France

VERT, c’est la grande aspiration en France

Son thème est sacrifier le soi maintenant pour obtenir maintenant l’harmonie pour soi et pour les autres, ici et maintenant comme on entend si souvent dans ce valmème.

Comme tous les autres niveaux d’existence, ORANGE n’est ni bon, ni mauvais en soi, ou plutôt il est potentiellement l’un et l’autre. En s’appuyant sur la technologie, ORANGE a donné à une partie de l’humanité une puissance inimagi­nable. Cette force a permis de réaliser des accomplissements extraordinaires, mais en même temps, elle a fait des dégâts considérables sur tous les plans. Mondialement, la pollution et l’effet de serre font s’interro­ger sur la survie même de l’espèce humaine. Socialement, même si le niveau de vie de tous a globalement augmenté, les inégalités se sont accrues. Humainement, la dureté des relations entre les personnes crée un sentiment de solitude que la consommation tous azimuts augmente sensiblement. Philosophiquement et spirituellement, l’absence de réelles valeurs morales génère un désarroi et une sensation de vide. Pour corriger la superficialité de ORANGE, l’être humain passe en VERT en se tournant vers le monde des émotions positives et des relations.

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L’intensité de l’impact de ORANGE a une autre conséquence. L’accélération de l’émergence des nouveaux systèmes de valeur, évidente depuis le début de la Spirale Dynamique, fait que la durée de vie de ORANGE est courte et que les per­sonnes qui « inventent » VERT ont souvent connu des sociétés basées sur les deux valmèmes précédents. Ainsi VERT est conscient à la fois des limites de BLEU et de celles de ORANGE. Il accepte donc le sacrifice de soi qu’implique un ni­veau d’existence collectif, mais il veut en toucher les dividendes tout de suite sous forme de relations harmonieuses avec les autres, voire même « affectueuses » selon le terme de Clare Graves. Il reste donc en VERT un certain narcissisme et une intolérance à la frustration directement hérités de ORANGE.

Le rejet de BLEU a aussi pour conséquence un refus de tout ce qui peut être perçu comme un dogme. Par suite, la pen­sée de VERT est relativiste: toutes les idées se valent, chaque personne a des choses pertinentes à dire sur touts les su­jets, la notion de vérité n’existe pas.

Cela implique que personne ne peut imposer un point de vue à un individu dominé par VERT et donc que toute décision doit être prise par consensus. Pour l’atteindre, une première phase consiste dans l’expression de la position de chacun et notamment de son ressenti émotionnel face à la situation; ne pas exprimer ses émotions serait perçu comme une mé­fiance vis à vis de la communauté et donc provoquerait le rejet. Ensuite, tout ayant été mis sur la table, une discussion sincère peut parvenir à un choix unanime. Même si VERT étudie intellectuellement toutes les possibilités, la décision fi­nale est prise sur des caractères émotionnels et tient compte de toutes les sensibilités. Ces deux étapes prennent le temps nécessaire pour qu’elles aboutissent au résultat souhaité. Contrairement à son prédécesseur, VERT n’est pas pressé, la qualité étant plus importante que la quantité.

Ainsi se crée un sens fort de la communauté, basée ni sur la réciprocité comme en POURPRE, ni sur une croyance commune comme en BLEU, mais sur un lien personnel entre tous ses membres. Le contact régulier et amical est le ciment du groupe, même si, grâce aux conditions de vie du XXIe siècle, il n’implique par forcé­ment une présence physique. ((Mon expérience avec l’Afrique me montre que pour moi, cela fonctionne ainsi, mais pour eux qui sont au niveau POURPRE souvent en ce qui concerne le lien, la présence physique est nécessaire sinon l’autre est plus ou moins oublié et il n’y a pas de ciment de groupe transnational. Et du coup, comme mes amis africains ne fonctionnent pas ainsi, je retombe aussi au niveau de Pourpre à la recherche de liens dans la réalité.))

VERT s’indigne du rejet des autres par BLEU et des injustices générées par ORANGE. Il considère que la Terre est l’ha­bitat commun de l’humanité et que ses ressources appartiennent à tous. Pour la première fois, on passe d’une perception du monde ethnocentrique, égocentrique ou sociocentrique à un début de vision humanocentrique, selon le terme de Ken Wilber. Début seulement, car VERT fait une nette distinction entre sa communauté et les autres. Il faudra attendre JAUNE et surtout TURQUOISE pour que les problèmes globaux de l’humanité soient réellement pris en compte.

Disparue en ORANGE, la culpabilité fait son retour lors de l’émergence de VERT. Elle est cependant différente. Il ne s’agit plus de culpabiliser individuellement pour avoir mal fait, mais collectivement pour avoir transgressé les valeurs importantes pour le valmème. Une personne en VERT peut par exemple se sentir coupable parce qu’elle vit dans une socié­té d’abondance alors qu’une bonne partie de la population a faim. ((« Vous les blancs, vous vivez sur le dos des noirs. »))Elle peut même se sentir coupable d’actes commis par sa communauté dans le passé.

La sociogenèse de VERT

Apparu au début du XXe siècle, VERT peut encore être considéré comme un valmème en cours d’émergence, et aucune socié­té ne l’incarne aujourd’hui complètement.

Comme pour ORANGE, le mouvement vers le même VERT a commencé sur le plan intellectuel. Les philosophes fran­çais qui ont inspiré les courants postmoderne et post-structuraliste, Michel Foucault, Jean-François Lyotard et Jacques Derrida notamment, se caractérisent par un rejet du rationalisme, du matérialisme et de l’idéalisme. Ils critiquent la soi-disant vocation universaliste de la philosophie et rejettent l’historicisme. Bien qu’ils s’en défendent, ils ont été considérés par leurs adversaires comme relativistes, voire comme se livrant à un abandon nihiliste du sens. Des mouvements paral­lèles existent en architecture, en littérature, en peinture, etc.

VERT s’est développé aussi dans un certain nombre d’entreprises où apparaissent des formes de management privilé­giant l’échange et le partage considérés comme prioritaires par rapport aux critères économiques. VERT apparaît aussi dans certaines petites structures sociales. Et en politique, VERT imprègne les social-démocraties de l’Europe du Nord, Suède surtout, Danemark, Norvège, Finlande. Ces États sont marqués par une politique, une pratique et une attitude. Politiquement, ce sont des États providence multiculturels et laïcs, protégeant l’environnement et les droits de l’homme, encourageant une économie sociale de marché, privilégiant le commerce équitable, et voulant faire profiter tous les citoyens d’un service public efficace au moyen d’une imposition forte et progressive. Ils pratiquent systématiquement la concertation et la recherche de compromis. Enfin, ils manifestent une grande tolérance sur la plupart des sujets de société (avortement, droit des homosexuels, utilisation des drogues, etc.).

VERT dans les sociétés actuelles

Avec environ 10% de la population humaine centrée à ce niveau d’existence, VERT est encore marginal. Nous sommes donc dans sa phase de sociogenèse, et ce que nous avons dit dans la section précédente décrit l’état actuel du valmème. Tou­tefois les signes de son développement se multiplient dans les sociétés aujourd’hui dominées par ORANGE. En France, les créatifs culturels positionnés dans la transition entre ORANGE et VERT, représenteraient 17% de la population. La campagne présidentielle de 2007 a vu, pour la première fois, l’apparition de thèmes de campagne directement liés à VERT.

Aux États-Unis, dans les États où BLEU est le plus faible, les indicateurs de la transition vers le valmème VERT sont nom­breux. Un exemple sont les 160 référendums d’initiative populaire organisés en Californie.

Pendant ce temps, les valmèmes précédents résistent. POURPRE et ROUGE ne sont même pas conscients de l’apparition de VERT. BLEU y voit une menace mortelle, la notion de Vérité Ultime déjà mise à mal par ORANGE étant encore plus contestée par VERT. Par exemple, la première homélie prononcée par le pape Benoît XVI après son élection identifiait l’adversaire: « Le relativisme, autrement dit le fait de se laisser porter de-ci de-là par n’importe quel vent de doctrine ap­paraît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque d’aujourd’hui. Il se crée une dictature du relativisme qui ne re­connaît rien de définitif et qui laisse comme mesure ultime seulement l’ego et ses désirs ».

De son côté, ORANGE est persuadé que le système est non viable parce qu’inefficace, alors que les exemples abondent de réussites de VERT. Nous avons déjà cité sur le plan économique de Gore & Associés, et on peut rajouter aux expé­rimentations sociales déjà mentionnées une mesure prise aux Pays-Bas, dans certaines communes où toute forme de si­gnalisation routière a été supprimée.

Il existe comme cela une multitude de règles et de normes que les personnes positionnées avant VERT croient indispen­sables, et que ce dernier s’empressera de supprimer et de remplacer par une simple prise en compte respectueuse des autres.

La psychogenèse de VERT

Dans les pays dans lesquels VERT est fort, le valmème commence à émerger dès le début de l’âge adulte. Il faut dire que l’environnement social et notamment le système scolaire y préparent les jeunes dès l’enfance.

Dans les pays culminant en ORANGE ou avant sur la Spirale Dynamique, il n’y a pas de constante sur les éléments qui font basculer une personne vers le valmème VERT, ni sur l’âge auquel cela se produit. Chaque individu peut voir ses condi­tions de vie évoluer d’une manière particulière et réagit en conséquence. Cependant, la multiplication du discours mé­diatique sur les problèmes environnementaux et sur l’accroissement des inégalités fait que ce changement a lieu de plus en plus souvent et de plus en plus tôt. Les cas les plus fréquents sont toutefois le passage vers la quarantaine, la fameuse crise des 40 ans, ou au jeune âge adulte comme dans les pays centrés sur VERT.

Vivre avec des individus en VERT

Communiquer avec une personne positionnée en VERT nécessite une approche à la fois individuelle et collective. Indi­viduellement, il s’agit de l’écouter et surtout de s’intéresser à ses émotions par rapport à la situation. Puis comme pour tout valmème collectif, il est nécessaire, directement ou par son intermédiaire, de convaincre toute sa communauté. Un dis­cours respectueux de toutes les sensibilités est indispensable: VERT pratique et apprécie le politiquement correct. Toute tentative de prendre le pouvoir, d’accélérer le mouvement, de jouer personnel ou de vouloir dresser les uns contre les autres aboutit à une rupture immédiate de la relation.

C’est dire que les entreprises actuelles, pour la plupart centrées en BLEU et/ou ORANGE ne savent plus manager VERT qu’elles ne savaient gérer POURPRE ou ROUGE. Elles considèrent avec stupeur les membres de ce que les sociologues ont appelé la génération X.

Les personnes centrées en VERT veulent être managées, comme elles veulent apprendre et comme elles veulent vivre, dans un processus de groupe fondé sur l’acceptation et la reconnaissance mutuelles, l’échange et la coopération.

Résumé

  • Le monde et ses ressources sont communs à toute l’humanité.
  • L’homme doit être libéré des dogmes et de l’exploitation.
  • L’exploration de la vie intérieure et l’appartenance à une communauté sont prioritaires.